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J’ai vu l’image diffusée par les télévisions de l’enfant mort sur la plage ; et aussi celles de jeunes Syriens, hommes et femmes, scander des mots d’ordre, lever les mains et les agiter en signe de protestation, comme à Alep ou à Homs il y a deux ans contre la dictature d’Assad. Ils sont là aujourd’hui par centaines, devant la gare de… Budapest, épuisés, demandant simplement à prendre le train. Ceux sont les mêmes.
Ils ont fui la dictature, le manque de libertés et l’obscurantisme religieux. Et ils ont le visage des réfugiés chiliens ou vietnamiens des années 1970 ; ils ressemblent à des familles arméniennes jetées sur les routes de l’exode pour échapper aux massacres au début du XXe siècle ; ils ont l’allure des républicains espagnols, franchissant par dizaines de milliers en 1939 les Pyrénées, fatigués, affaiblis, meurtris…
Mais en France l’opinion publique, d’après les sondages, et les flots d’injures (et de haine) que l’on trouve hélas sur les grands portails du Net, se montre réticente à accueillir ces familles venant en majorité du Moyen-Orient. Comment expliquer une telle attitude, à la différence de ce qui se passe en Allemagne, en Grande-Bretagne, ou dans les pays scandinaves ?
On peut invoquer la crise économique, les millions de chômeurs et le grand repli sur les égoïsmes nationaux. Mais plus fondamentalement, il est temps de mesurer les ravages exercés dans la société française par les idéologies qui se sont développées depuis une vingtaine d’années, visant à discréditer, détruire tous les mouvements se réclamant de l’antiracisme.
Au nom de la lutte contre la « pensée 68 », des idéologues se sont acharnés à nous expliquer que l’antiracisme était le moteur de divisions nationales possibles, et que ce combat était vieillot, démodé. Exsangues, les organisations antiracistes ont aussi subi le double assaut « d’identitaires », se réclamant, soit de la pureté de la « race française » et rejetant tout apport de culture étrangère dans la construction de la France ; et d’un autre côté, de ceux qui ont voulu communautariser le combat antiraciste, en rejetant les porteurs de l’universalité des droits de l’homme.
Campagnes et diabolisation
Ces campagnes incessantes de diabolisation des combats antiracistes ont largement profité à l’extrême droite, qui a pu maintenir intact son réservoir d’arguments déjà anciens : conception d’une France éternelle et rejet des principes d’égalité forgés par la Révolution française ; réhabilitation de l’héritage colonial ; défense d’une identité perpétuellement menacée par la présence de l’Autre, de l’étranger.
L’image de notre pays s’est également assombrie ces vingt dernières années où des campagnes incessantes expliquent que derrière chaque immigré venant d’un pays de culture musulmane, se cachait un terroriste. Sans même moderniser son vocabulaire, si bien mis en évidence par l’historien Zeev Sternhell dans La Droite révolutionnaire, 1885-1914 : Les origines françaises du fascisme (Gallimard 1997), l’extrême droite française, tous courants confondus, progresse à grande vitesse, et s’enracine dans une société privée de ses points de repères historiques.
Car la tradition historique française est bien celle de l’hospitalité envers les réprouvés, les persécutés, les hommes et les femmes qui fuient la terreur et la barbarie pour aller vers la patrie des droits de l’homme. On ne peut pas combattre la dictature de Bachar Al-Assad ou la barbarie de l’Etat islamique, et refouler ceux qui la refusent, la subissent.
Retrouver les chemins de la mobilisation militante
Ce n’est pourtant pas vers la France, que les « migrants » (mot étrange qui sert d’écran à celui de réfugiés) se dirigent. Mais vers d’autres pays. En particulier l’Allemagne, où ses dirigeants ont déclaré vouloir accueillir des centaines de milliers de réfugiés. Et l’image de ce pays, assombri comme on le sait par le passé de la guerre, s’est brusquement modifiée. Tout n’est pas pourtant joué en France, dans le combat essentiel pour renverser les regards, affronter les préjugés négatifs sur les réfugiés.
La jeunesse, toujours aux avant-postes pour les combats sur les valeurs de liberté, peut retrouver les chemins de la mobilisation militante, comme on a pu le voir dans les années 1980.
Si l’on donne les moyens aux organisations antiracistes de se déployer à nouveau ; si l’on renforce les outils de la connaissance, dans les établissements scolaires, ou dans d’autres lieux, comme le Musée national de l’histoire de l’immigration, inauguré récemment par le président de la République (après tant d’années d’isolement et de mise au secret des histoires migratoires qui ont fait la France) ; si une parole politique qui a du poids venant des sommets de l’Etat, ou des partis politiques républicains, réaffirme avec force à une opinion déboussolée ce qu’est la tradition française d’accueil… Si, si, si… mais le temps presse, et il serait bon de souhaiter maintenant la bienvenue à ceux qui fuient la terreur et la guerre.
- Benjamin Stora (Président du conseil d’orientation du Musée national de l’histoire de l’immigration)
je ne diffuse pas les bobards de la propagande d’extrême-droite. Passez votre chemin. Merci.
d’abord et avant tout : merci à campvolant d’avoir refusé de diffuser des bobards de le propagande d’extrême-droite. Ce n’est pas une raison toutefois pour dérouler le tapis rose à Benjamin Stora, tout à la joie de pouvoir dire au passage un peu de… bien du régime qui le nourrit mais qui est vraiment trop discret sur ce qui est un peu plus qu’un détail : la présence d’un individu comme le nommé Manuel Valls au poste de premier ministre est toujours un encouragement pour tout ce qu’un pays peut compter de racistes, d’antisémites et de xénophobes.
Je suis un peu surprise de lire que la Grande Bretagne, l’Allemagne et les pays scandinaves sont devenus soudain des pays qui ont banni l’égoïsme de leurs frontières, mais très heureuse de l’apprendre : ainsi, les travailleurs de ces pays ne seront plus mal payés, méprisés et pauvres; ainsi, les lois sociales seront de nouveau de mise dans ces pays et par la même occasion, la France, l’Espagne et pourquoi pas la Grèce, qui font partie de cette Europe tant vantée par les media, seront emportées par ce grand élan de générosité et de refus de la misère, ainsi le tafta ne verra pas le jour, Monsanto ne passera pas, la misère des abattoirs allemands disparaîtra, les armes ne seront plus vendues aux pays qui… balancent les réfugiés sur les routes, les dirigeants allemands et anglais renonceront à cette funeste leçon de la « compétitivité » à tout prix qui fabrique des misérables ICI et ailleurs par millions. C’est merveilleux de voir les riches des pays riches donner des leçons d’humanité ! J’en suis très touchée, émue aux larmes (non pas les larmes de crocodile de ceux qui plaignent les migrants mais continueront d’exploiter les hommes, en leur donnant généreusement des salaires de un ou deux euros par heure, en fermant les hôpitaux, en demandant que le gouvernement grec continue de martyriser les Grecs les plus pauvres). J’ai envie d’encourager les dirigeants de tous les pays les plus riches « Unissez-vous pour le bien-être des dirigeants des plus grandes entreprises : accueillez, accueillez, ou plutôt, faites accueillir, ainsi les esclaves d’ici n’auront plus à se plaindre, ils auront bien chaud en compagnie des esclaves d’ailleurs ». J’attends avec impatience les nouvelles merveilleuses lois sociales qui empêcheront les immigrés qui travaillent dans mon village de dormir dans des baraques ! Je vais leur dire que grâce à l’Allemagne et à Madame Merkel, leur tourment est fini ! Alléluia ! … Tiens ! Un ami me frappe sur l’épaule et me dit que l’élevage allemand (outre qu’il ne respecte pas les animaux) a massacré des pans entiers de l’économie africaine ! Non ? Pas possible? C’est sans doute pour mieux accueillir les misérables jetés sur les routes par la misère… Non? On m’affirme que c’est surtout ceux jetés par la guerre, la vraie, pas la guerre économique sordide que continuent de mener en cœur, l’Allemagne, le Royaume Uni et les autres ; oui, la France, pas compétitive pour deux sous, est à la traîne, je sais, mais elle va vite, par le biais de son gouvernement, réformer le code du travail : ouf ! Merci M. Stora de nous ouvrir les yeux, aveugles que nous sommes, mais vous venez après tous les média, tous les journalistes, tous les grands cœurs de nos élites puisque depuis quelques jours, la générosité de l’Allemagne a tout balayé sur son passage. J’ai bien lu un article discordant dans Le Monde Diplomatique de Madame Aminata Traoré, mais ce genre de voix, on ne l’entend nulle part, sauf dans le Monde Diplo, il est vrai qu’elle parle des « blessés européens du capitalisme mondialisé et finaciarisé » et, à propos de l’Afrique, « des paysans sans terre et des commerçants ruinés par les produits subventionnés qui inondent nos marchés(…) » (les marchés africains). Qui serait intéressé par cela? Il vaut mieux parler du racisme des Français (mais lesquels?)… ça évite de remettre en question l’essentiel.
Annie tu n’a pas tort, dans le principe, mais je me demande si tu n’es pas en train de combattre un fléau imaginaire : pour ma part je n’ai pas rencontré une seule personne qui ait changé d’opinion sur Merckel ou autre, au motif que le discours est différent de celui habituel. Le problème s’était d’ailleurs déjà posé, historiquement, au moment de l’exil des antifranquistes (à propos duquel Libé de ce jour publie un article dégoulinant de servilité à l’égard des partis-de-gauche) : je n’ai pas entendu dire que la lutte des classes ait soudain cessé au Mexique, bien que ce gouvernement ait eu une attitude quasi-exemplaire.
Que pour le reste les maquereaux-de-la-démocratie se jettent sur cette actualité pour nous infliger leur « vertu » c’est l’évidence et c’est même, comme on dit, de bonne… guerre : mais nous n’avons pas à porter leurs péchés sur notre dos.